Edito du Figaro du 19 août 2014

Guerre juste

Par Philippe Gélie

Dans l’Orient compliqué, il est une idée simple qui doit servir de boussole : les chrétiens sont menacés sur la terre de naissance du christianisme. À ceux qui seraient tentés de renvoyer toutes les communautés à un magma de haines indéchiffrables, leur martyre montre la véritable nature des enjeux. En Irak, il y va à la fois de notre sécurité et de nos valeurs, qui pour une fois coïncident. Face à l’État islamique, dont la pseudo-guerre sainte n’est qu’une obscure guerre de religion, les chrétiens réveillent nos consciences : ils tracent une ligne rouge dans le désert irakien, que les dirigeants et les peuples libres ne peuvent laisser franchir.
Tel est le sens de l’appel du pape François à intervenir pour sauver les minorités persécutées, y compris militairement, faute d’autres moyens - et sous l’égide de l’ONU. Il ne s’agit pas seulement d’émotion ou de fraternité. Les chrétiens constituent, à leur corps défendant, le baromètre de la haine aujourd’hui à l’œuvre en Irak. Ils ne sont les ennemis de personne, ils ne demandent qu’à vivre en paix dans leur pays, mais on ne leur laisse le choix qu’entre l’exil, l’apostasie ou la mort. Ces Arabes sont nos cousins par les croyances, par l’histoire, et aussi par le « djihad » dans lequel les islamistes nous englobent, eux et nous, tous chrétiens confondus, tous Occidentaux mêlés. C’est la définition même d’une guerre juste, un combat que l’on n’a pas voulu mais auquel on ne peut se soustraire.
Les souffrances de cette communauté préislamique durent depuis trop longtemps. Elle représentait 20 % de la population irakienne dans les années 1930, 10 % sous Saddam Hussein, moins de 2 % aujourd’hui. Preuve que l’émoi périodique suscité par l’exode des chrétiens n’a jamais été à la hauteur du drame. Les appels aux dons et l’octroi de l’asile à ceux qui le demandent relèvent du geste humanitaire. Mais la politique commande de traiter ceux qui les protègent comme des alliés, ceux qui les martyrisent comme des adversaires. Et de calibrer nos aides et nos interventions en fonction de ce critère. Il faut « arrêter l’agresseur injuste », a dit le Pape. La parole est à l’ONU.