Incorrigible France !
Jusqu’à ce week-end, Patrick Ricard
appartenait à la classe honnie du CAC 40, ce nouvel ennemi du peuple, clouée au
pilori pour ses superprofits, ses superdividendes et ses supersalaires. Depuis
son décès brutal, vendredi, il recueille un hommage unanime, digne de ceux
rendus aux grands hommes de la nation. Le voilà élevé au rang de « patron
visionnaire » et d’entrepreneur « emblématique de la réussite française dans le
monde » par un gouvernement qui n’emploie pas exactement le même langage - c’est
un euphémisme - à l’égard de ceux qui se battent au quotidien pour gagner des
marchés et développer leur entreprise à travers la planète. Bien que tardif, cet
hommage posthume est pleinement justifié. Avec Patrick Ricard, la France vient
de perdre un grand chef d’entreprise. Homme discret et modeste, le fils de
l’inventeur du célèbre pastis a hissé en quelques années son groupe familial sur
le toit du monde des boissons alcoolisées avec une rare agilité. Et aujourd’hui,
la saga Ricard fait incontestablement partie de ces belles - mais trop rares -
réussites entrepreneuriales dont le pays a tant besoin pour se relever.
Le
paradoxe veut que, derrière son pessimisme désespérant et la défiance de ses
élites à l’égard du monde de l’entreprise, la France ne manque ni de talents, ni
de créateurs, ni d’entrepreneurs. Ils ne demandent qu’à s’exprimer. Encore
faudrait-il pour cela que l’initiative cesse d’y être entravée par une politique
fiscale et sociale dissuasive ; que le succès y soit célébré et non stigmatisé ;
que l’argent n’y soit plus considéré comme une maladie honteuse. De même
existe-t-il de grands groupes étrangers prêts à investir dans notre pays. Encore
faudrait-il leur assurer un environnement réglementaire stable, une liberté
d’action encadrée mais équitable, ainsi qu’un traitement politique raisonnable.
Le géant Unilever, pris au piège de l’affaire Fralib, ne demande pas autre
chose. Il n’est pas interdit de rêver à un retour de l’investissement, de la
croissance et de l’emploi. Mais à une condition : que la France montre qu’elle
aime ses entreprises et ses entrepreneurs.