Edito du Figaro du 20 août 2012 : Si la France aimait les entrepreneurs

Incorrigible France !
Jusqu’à ce week-end, Patrick Ricard appartenait à la classe honnie du CAC 40, ce nouvel ennemi du peuple, clouée au pilori pour ses superprofits, ses superdividendes et ses supersalaires. Depuis son décès brutal, vendredi, il recueille un hommage unanime, digne de ceux rendus aux grands hommes de la nation. Le voilà élevé au rang de « patron visionnaire » et d’entrepreneur « emblématique de la réussite française dans le monde » par un gouvernement qui n’emploie pas exactement le même langage - c’est un euphémisme - à l’égard de ceux qui se battent au quotidien pour gagner des marchés et développer leur entreprise à travers la planète. Bien que tardif, cet hommage posthume est pleinement justifié. Avec Patrick Ricard, la France vient de perdre un grand chef d’entreprise. Homme discret et modeste, le fils de l’inventeur du célèbre pastis a hissé en quelques années son groupe familial sur le toit du monde des boissons alcoolisées avec une rare agilité. Et aujourd’hui, la saga Ricard fait incontestablement partie de ces belles - mais trop rares - réussites entrepreneuriales dont le pays a tant besoin pour se relever.
Le paradoxe veut que, derrière son pessimisme désespérant et la défiance de ses élites à l’égard du monde de l’entreprise, la France ne manque ni de talents, ni de créateurs, ni d’entrepreneurs. Ils ne demandent qu’à s’exprimer. Encore faudrait-il pour cela que l’initiative cesse d’y être entravée par une politique fiscale et sociale dissuasive ; que le succès y soit célébré et non stigmatisé ; que l’argent n’y soit plus considéré comme une maladie honteuse. De même existe-t-il de grands groupes étrangers prêts à investir dans notre pays. Encore faudrait-il leur assurer un environnement réglementaire stable, une liberté d’action encadrée mais équitable, ainsi qu’un traitement politique raisonnable. Le géant Unilever, pris au piège de l’affaire Fralib, ne demande pas autre chose. Il n’est pas interdit de rêver à un retour de l’investissement, de la croissance et de l’emploi. Mais à une condition : que la France montre qu’elle aime ses entreprises et ses entrepreneurs.