Jean-François Copé : « C'est du cinéma alors qu'il y a urgence »

Jean-François Copé : « C'est du cinéma alors qu'il y a urgence »
Article paru dans Les Echos le 11 juillet 2012

Que vous inspire l'issue de la conférence sociale ?

Je suis inquiet. Cette conférence, c'est du cinéma. Tout le monde est pour une grande conférence sociale ! Mais ce qui compte, ce sont les décisions qui sont prises. Or on nous annonce des réformes, mais pas avant un an alors qu'il y a urgence. Ce que je constate, pour le moment, c'est que tout ce qui a été fait durant cet été vient plomber le pouvoir d'achat des Français et la compétitivité de nos entreprises : taxation des heures supplémentaires et de l'épargne salariale, augmentation des cotisations pour payer le retour partiel à la retraite à 60 ans et abrogation de la fiscalité antidélocalisation. Sans parler des hausses d'impôts à venir : en particulier celle de la CSG, qui va frapper tous les Français, et la fiscalité des dividendes, qui fera fuir les investisseurs.

Le dialogue n'est-il pas le meilleur moyen pour réformer au fond ?

Cette conférence, c'est le type de grand-messe incontournable en début de quinquennat. On va vite s'apercevoir qu'elle n'aboutira pas aux réformes courageuses et urgentes que l'on doit engager. Comparer les sessions parlementaires en 2007 et aujourd'hui est à ce titre édifiant. Il y a cinq ans, nous avions multiplié les réformes. Là, la pauvreté de la session parlementaire saute aux yeux. Un collectif budgétaire truffé d'augmentations d'impôts et sans une seule économie, et une loi, certes indispensable, sur le harcèlement sexuel. Ce n'est pas à la hauteur de la situation.

Une hausse de la CSG est-elle une bonne piste ?

La vérité, c'est que les socialistes font semblant de découvrir le problème du coût du travail après l'avoir nié pendant toute la campagne. Ils veulent remplacer la fiscalité antidélocalisation par une hausse de la CSG. Augmenter la CSG plutôt que la TVA, c'est taxer tous les Français, mais exonérer d'impôts les produits importés venant de pays où les charges sociales sont moins importantes. Je cherche toujours à comprendre la cohérence de la stratégie économique de François Hollande.

François Hollande a fait lundi du redressement des comptes sa priorité. Peut-on dire, comme le fait l'UMP, que le PS est dépensier et que sa rigueur sera brutale ?

Je suis depuis longtemps un promoteur de la rigueur et du sérieux budgétaires. Mais je ne vois pas comment on assainit les finances publiques avec le programme prévu. Aucune mesure n'est prise pour baisser les dépenses. Sur la fonction publique, les socialistes annoncent qu'ils arrêtent le « un sur deux » et dans le même temps qu'ils créent 12.000 postes chaque année dans l'Education. Pour rester à effectifs constants, ils vont être obligés de ne pas remplacer deux fonctionnaires sur trois dans tous les autres ministères. Ce n'est pas crédible ! Les trois erreurs stratégiques du collectif budgétaire sont assez fondatrices de l'esprit de ce quinquennat. La première, c'est d'augmenter les impôts massivement plutôt que de baisser les dépenses. La deuxième, c'est de matraquer les classes moyennes sur le plan fiscal tout en dévalorisant le travail. La troisième, c'est de fragiliser notre compétitivité en supprimant la TVA antidélocalisation.

La droite au pouvoir a-t-elle fait assez d'efforts ? Regrettez-vous d'avoir allégé l'ISF tout en gelant le barème de l'impôt sur le revenu ?

Cela n'a rien à voir. Il y a eu une mesure prise pour éviter qu'une surfiscalisation encourage des délocalisations de fortune. Mais tout cela doit être remis en perspective : cela représente des sommes sans commune mesure avec les enjeux budgétaires du pays. Je ne voudrais pas que l'on oublie tout ce qui a été fait pendant cinq ans pour les plus modestes, avec le RSA, l'augmentation de 25 % du minimum vieillesse et de l'allocation adulte handicapé ou les allégements sur les tranches les plus basses de l'impôt sur le revenu.

La hausse du chômage est-elle imputable à la nouvelle majorité ?

Il ne faut pas faire de mauvais procès. L'augmentation du chômage est d'abord imputable à la crise. En revanche, la mission du gouvernement est de tout faire pour faciliter la création d'emplois. Et pour cela, il ne faut ne pas charger la barque sur le plan fiscal. Stigmatiser les grandes entreprises et leurs profits, alourdir les charges pour les entreprises de taille moyenne, c'est tout l'inverse de ce qui devrait être fait ! Et voilà que, maintenant, la gauche veut un texte sur les licenciements boursiers. Le pire est à craindre pour la souplesse du droit du travail et donc pour l'emploi.

Voterez-vous le pacte budgétaire européen ?

Bien sûr. Je le voterai d'autant plus que François Hollande se sera converti à la « règle d'or », comme il s'est converti au traité lui-même.

Jean-Pierre Jouyet est-il un bon candidat pour la Caisse des Dépôts et Consignations ?

C'est un homme de grande qualité. Mais la question est de savoir si après avoir présidé la structure qui contrôle la totalité des établissements financiers français, on peut prendre la direction du premier établissement financier français, dont les activités de marché sont mondialement connues. J'ai, là-dessus, de sérieuses interrogations.

Que pensez-vous de l'idée de Valérie Pécresse d'un « ticket » avec François Fillon président de l'UMP et vous secrétaire général ?

Ceux qui sont entrés en campagne doivent accepter l'idée qu'une élection interne n'est pas une nomination. Il y aura nécessairement plusieurs candidats et ce n'est pas un drame. C'est une formidable opportunité pour les militants de se prononcer. Je suis au milieu d'eux depuis des années. Je vois bien qu'ils ont besoin de dire ce qu'ils ont sur le coeur en cette période de reconstruction.

François Fillon fait la course avec vous pour apparaître comme le premier opposant à la gauche. Mais qu'est-ce qui vous distingue ?

A la tête de l'UMP, j'ai un devoir vis-à-vis des militants : installer l'opposition parlementaire, c'est le plus urgent aujourd'hui. Nous sommes attachés à la construction européenne, à la rigueur budgétaire et à la compétitivité. Mais nous n'avons pas la même histoire électorale. Moi, je suis l'élu d'une ville qui est le reflet de la société française d'aujourd'hui. J'ai par ailleurs été le tenant d'une ligne opposée à toute alliance avec le FN mais qui n'entend pas appeler à voter pour des socialistes qui s'allient avec l'extrême gauche. J'ai tenu cette ligne et ça a été un différend entre nous. Le temps de la campagne viendra, après l'été. Les militants trancheront.

Propos recueillis par Isabelle Ficek et Pierre-Alain Furbury