Les ennuis, c’est maintenant

Chute dans les sondages, une presse unanimement critique pour dénoncer l’immobilisme du pouvoir, trois millions de chômeurs. Une rentrée en fanfare ! « Le changement, c’est maintenant », promettait le candidat Hollande, qui, une fois élu, a fait sienne la philosophie mitterrandienne : « Il faut donner du temps au temps. »
Le couple de l’exécutif a manqué de vigilance : en juillet, une enquête TNS Sofres révélait la grande crise de confiance des Français. Dans leur très grande majorité, ils doutaient des capacités du gouvernement sur tous les dossiers essentiels : la réduction du chômage, des déficits, la transformation du pays, sortir la France de la crise, favoriser la croissance, améliorer la compétitivité des entreprises.
Le mois d’août a été meurtrier. Habitués au tempo sarkozyen, ils ont été désorientés par le silence présidentiel. Y a-t-il un pilote dans l’avion ? Les images le montrant au milieu des baigneurs dans un look relâché n’ont pas été gratifiantes. Trop low cost, mais un choix délibéré. François Hollande a fondé sa campagne sur le rejet de Nicolas Sarkozy. Et ça a marché. À l’Élysée, il tient à se montrer tel son exact contraire. Avec une obsession : détricoter toute l’oeuvre de son quinquennat.
A l’Impétueux devait succéder l’Impavide. Mais ce qui valait pour la campagne s’est révélé très vite un peu court, voire décevant dans l’exercice de l’État, pour ne pas dire mesquin. Il fallait réagir. Ce qu’a fait le président en inaugurant un nouveau ton, un nouveau style, vendredi, à la foire de Châlons-en-Champagne. Lorsqu’il proclame : « Mon devoir est de dire la vérité aux Français. La crise est d’une gravité exceptionnelle », on pensait entendre son prédécesseur. À l’en croire, les conséquences de la crise ne relèveraient plus d’un héritage qu’il faut solder, mais d’une réalité. La normalité a vécu. Fini l’antisarkozysme. L’objectif étant la lutte contre le chômage, il accélère. La session parlementaire est convoquée deux semaines plus tôt. Les textes sur les emplois d’avenir seront alors adoptés. Premiers contrats promis pour octobre. En annonçant une réforme du financement de la protection sociale, il pose les premiers jalons d’une hausse de la CSG pour soulager les entreprises. Lorsqu’il parle des chantiers sur la sécurisation de l’emploi ou la prévention des plans sociaux, il relance la négociation sur la flexibilité commencée sous l’ère sarkozyste, mais interrompue en juillet par Jean-Marc Ayrault lors de la conférence sociale.
François Hollande compte toujours réformer le pays grâce au dialogue avec les partenaires sociaux. Quand on entend la CGT ou FO dire : « Il faut que le gouvernement choisisse entre les salariés ou l’entreprise » (aucun syndicat au monde ne tient ce raisonnement archaïque), on voit qu’il n’est pas au bout du chemin. Il charge son premier ministre de mettre en oeuvre ses orientations. Très bien. Mais on prend déjà ce pari : le président va devoir plus souvent être en première ligne.
Les décisions douloureuses, c’est lui qui doit les annoncer. Lui, dont le talent était d’affronter les problèmes par… l’évitement ! On verra si la dureté des temps fait éclore l’homme d’État.
Catherine Nay dans Valeurs actuelles