Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République


Monsieur le Président,

Vous voici rentré de vacances. Les Français, déjà interloqués par un si profond silence aoûtien, attendaient de vous une reprise en main de la politique de la France. Ils avaient noté, comme vous vraisemblablement (sauf si les nouvelles n’arrivaient pas à Brégançon), que le monde allait mal, que l’Europe se délitait et que la France s’interrogeait.

Il y avait un avant élection, où vos amis socialistes avaient été très durs avec vous, en particulier Laurent Fabius qui vous avait traité de « fraise des bois » et Martine Aubry de « mollasson ». Mais ça, c’était avant !

Il y eut un pendant, où tous ces hypocrites vous ont trouvé formidable, paré de toutes les vertus.

C’est qu’ils voulaient des postes, que diable ! Et pas n’importe lesquels ! Certes, Martine Aubry a été oubliée. Elle saura se faire entendre et, comme dans tout parti démocratique, elle va nommer elle-même son successeur ! On se croirait en Corée du Nord !

Quant à Laurent Fabius, il a été récompensé en obtenant le ministère des Affaires étrangères. Depuis, on ne l’entend plus. C’est regrettable pour la réputation internationale de notre pays.

Il y a un après et cet après, c’est maintenant, comme vous aimiez tellement le proclamer.

Et maintenant, que se passe-t-il ? Rien ! J’oubliais quelques troubles ancillaires avec Valérie Trierweiler qui vous a maté de méchante façon en faisant éliminer votre ex !

Mais il y a aussi le détricotage de tout ce qu’avait fait votre prédécesseur, Nicolas Sarkozy alors que presque toutes les mesures étaient nécessaires. Ah ! La haine est tenace.

Vient désormais le temps du reniement de toutes vos promesses électorales. Je dirai que c’est la meilleure chose que vous ayez faite, vous renier. A tel point qu’un grand hebdomadaire a titré : « les Français (de gauche) sont cocus ! ».

Voici maintenant que, dans vos rangs, la grogne se manifeste bruyamment, notamment au sein des députés, qui sont priés de vous suivre dans le reniement, eux qui, comme vous, avaient tellement hurlé contre le Traité européen. Ils vont devoir le voter. Ce n’est pas une couleuvre qu’il leur faudra avaler, mais tout un zoo.

Parlons également de cette taxe stupide à 75 % sur les hauts revenus qui, elle aussi, je n’en doute pas, va être édulcorée. C’est à se demander si vous voulez faire plaisir à Madame Bettencourt ? Il est vrai que son mari était un ami personnel de François Mitterrand, votre mentor. Vous avez cependant prétendu hier soir à la télévision que rien ne changera par rapport à vos promesses, mais vous avez cité ce chiffre curieux de 2000 à 3000 personnes assujetties à cette taxe. Alors que si elle était appliquée à tous ceux gagnant plus d’un million d’euros par an, le nombre de Français imposés aurait été plus nombreux. « Quand c’est flou… »

Vous avez hésité à faire plaisir aussi aux chanteurs, aux footballeurs. Il fallait bien les exonérer. Finalement, seuls les entrepreneurs qui réussissent seront taxés et encore ne seront-ils pas, comme on vient de le voir, que 2000.

Tout ça pour ça ! Cette taxe ne va rien rapporter par rapport à l’immensité des dettes, mais elle est politique et vous l’avez bien dit. Il y a ici un paradoxe. C’est une taxe politique, confiscatoire et ceux qui la subissent doivent rester là, sans rien dire, accepter l’humiliation, d’être stigmatisés au nom du patriotisme ! De qui se moque-t-on ? De qui vous moquez-vous ?

Quant aux Roms, vous laissez faire votre ministre de l’Intérieur. Il continue ce que faisait la droite, mais lorsque c’est la gauche qui prend l’initiative, c’est forcément beaucoup plus moral.

Après le maintenant, il y aura le « demain ». Il s’annonce véritablement dramatique. Votre équipe est déjà dévalorisée. Le Premier ministre, spécialiste des paroles creuses et niaises, semble à côté de la plaque, absent. Vos ministres, qui se déchirent et que vous avez rappelés à l’ordre (« c’est fini » !), ne montrent pas l’exemple d’une union. Les pauvres, ils n’avaient jamais été ministres ! Je vous signale que vous ne l’aviez jamais été non plus. Peut-être cela explique-t-il votre incompétence ?!

Une France qui s’enfonce, qui s’inquiète. Elle attendait un président de la République actif, dynamique. Ce n’est pas le cas. La meilleure image que vous avez donnée de vous, ce fut à Brégançon, en maillot de bain, les pieds dans l’eau !

Mais voici de bonnes nouvelles, si j’ose dire. Vous vous êtes rallié à la compétitivité des entreprises que vous avez niée pendant des années et surtout pendant la campagne électorale. Vous refusiez même le débat.

Revirement ? Maintenant, pour vous, elles sont trop taxées et c’est ainsi que la CSG va augmenter et que vous allez créer des taxes écologiques, pour diminuer celles des entreprises, que par ailleurs vous venez et allez augmenter de façon importante.

Incohérence… Je prends, je donne et je reprends ! Une valse à trois temps ! Ce n’est pas comme cela, Monsieur le Président, que vous serez crédible et ce n’est pas comme cela que les entreprises pourront redevenir compétitives.

C’est la crise, celle que vous avez niée pendant toute la campagne électorale. Vous avez d’ailleurs abaissé notre taux de croissance à 0,8 % pour l’année à venir. Vous avez simplement oublié de dire qu’alors, il faudra trouver non pas 33 milliards d’euros, mais beaucoup plus.

Dans votre « causerie » à la télévision, vous nous avez annoncé 30 milliards de recettes. Il en manquait déjà 3. Qu’allez-vous faire pour en trouver 10 autres ? Rien de nouveau, Monsieur le Président, si ce ne sont vos reniements, votre hésitation. L’absence de visibilité et l’incantation n’ont jamais été des solutions aux problèmes de la France.

Il faudrait que vous deveniez un véritable président de la République, les pieds sur terre et non pas dans l’eau, abandonnant vos rêveries insensées, votre idéologie du XIXème siècle ! Mais en êtes-vous capable ?

Et si vos amis, qui vous connaissaient bien, avaient raison ?


Pr. Bernard DEBRE
Ancien Ministre
Député de Paris