Les porteurs de valises

Deux cents salafistes place de la Concorde ont plus fait pour la vigilance contre l’islamisme qu’un défilé de femmes voilées dans un quartier de banlieue. La police et nos services de renseignement intérieur en ont brillamment profité : sur les 200 manifestants présents, 152 interpellés, c’est-à-dire autant de relevés d’identité et de fiches mises à jour.
Des adultes, des gamins embrigadés dans ces réseaux qui prospèrent dans les cités au milieu des immeubles dégradés et des trafics en tout genre. Dans le monde arabe, les mêmes groupes ont pris prétexte d’une provocation (un film grotesque) pour tuer, piller, incendier.
En France, ils sont surveillés de près. Pour autant, ils peuvent agir (la soudaineté et le mode de rassemblement de ces islamistes grâce aux messageries électroniques ont surpris la police). De leurs rangs peut à tout moment surgir un tueur du type Mohamed Merah, suffisamment habile pour avoir trompé la surveillance de nos services. Ils travaillent en souterrain à travers toutes sortes de cellules ou d’associations, susceptibles de se mobiliser lorsqu’un détonateur quelconque met le feu à un quartier.
On ne dira jamais assez que les émeutes de novembre 2005 ont cessé lorsque certains chefs religieux ont décidé d’y mettre un terme. La démonstration suffisait. Ce que la République laisse à l’abandon, ils l’occupent aussitôt, avec d’un côté des trafics mafieux et de l’autre, des associations charitables. C’est ce que l’on voit à Marseille, en Seine-Saint-Denis et dans d’autres départements d’Île-de-France, du Rhône ou d’ailleurs. Au-delà du fanatisme religieux, ce qui réunit ces hommes et ces femmes, c’est la haine de tout ce que représentent la culture judéo-chrétienne et la civilisation occidentale.
On peut toujours croire qu’en rapatriant leurs soldats d’Afghanistan, les alliés occidentaux vont se sortir d’un “piège” ou d’un “bourbier”, ce n’est pas pour autant que l’islamisme radical s’efface. Simplement, le front se déplace. Les admirateurs de Mohamed Merah continueront de s’entraîner là-bas avant de venir décharger leur haine ici. La question n’est pas de savoir s’il fallait y aller ou pas ; de toute manière, cette confrontation, choc des civilisations ou pas – le débat ne sera jamais clos – , nous est imposée ; la réalité est là. Et pour reprendre une vieille formule : si tu ne vas pas à l’islamisme, l’islamisme ira à toi.
L’intimidation règne. L’an dernier, au beau milieu du “printemps arabe”, un hebdomadaire satirique de gauche, Charlie Hebdo, avait reproduit des caricatures de Mahomet. Au moment de la mise en vente de ce numéro, le siège du journal fut incendié, les marchands de journaux visités et menacés. Depuis dix-huit mois, le directeur de l’hebdomadaire, Charb, est protégé, sept jours sur sept, par deux policiers particulièrement sportifs.
Samedi dernier, Caroline Fourest avait été invitée à participer à un débat de la Fête de l’Humanité, manifestation réputée bien tenue par son encadrement communiste. Malgré cela, elle a été interdite de parole. Par un groupe d’islamo-gauchistes, peu nombreux mais déterminés, qui est parvenu à s’imposer à une salle prise à contre-pied aux cris de “Fourest raciste”, quand les auditeurs répliquaient “liberté d’expression” ! Pourquoi Caroline Fourest ? Parce que, journaliste et essayiste engagée dans les combats de gauche, elle est aussi l’auteur de la Tentation obscurantiste, un livre dans lequel elle dénonce les dérives totalitaires de l’islamisme radical. Depuis le vote de la loi sur le voile, elle fait l’objet d’une campagne acharnée, tant en France qu’à l’étranger, visant, vainement, à la faire taire. L’intéressant, c’est le profil de ses adversaires ; parfois musulmans, parfois convertis, le plus souvent athées, ceux-ci s’inscrivent sous différentes appellations (“Indigènes de la République”, “Indivisibles” et autres) dans le courant de l’ultra-gauche propalestinienne. Ce sont des nostalgiques du trotskisme “canal historique” et de l’anticolonialisme ; au temps de la guerre d’Algérie, ils auraient été “porteurs de valises” du FLN ; ils sont aujourd’hui les “porteurs de valises” idéologiques de l’islamisme le plus dur.
On ne trouvera sans doute pas de liens entre eux et les diverses mouvances fondamentalistes du Proche-Orient. C’est sans importance. En revanche, leur objectif est le même, désarmer la vigilance et les bonnes âmes. Ils s’attaquent au flanc qu’ils estiment le plus vulnérable : à la gauche. C’est d’ailleurs au moment où Manuel Valls analyse de près les filières salafistes que 77 députés socialistes croient utile d’appeler au droit de vote des étrangers…
François d'Orcival, de l’Institut
Editorial de Valeurs actuelles